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Description de la méthode Dual Channel

HD Science n°27
June 28, 2024
3-5 min

Introduction

Comme nous l'avons vu précédemment, le bruit de fond atmosphérique, autrement dit le rayonnement des éléments de l’atmosphère, a un impact non négligeable sur les mesures des précipitations par micro-ondes. En effet, l’atténuation du signal satellite par les gouttes de pluie est compensé par le rayonnement de ces mêmes gouttes de pluie.

Dans cet article, nous allons explorer comment prendre en compte ce bruit de fond et démontrer comment il peut contribuer à améliorer significativement la précision des mesures des précipitations. La connaissance du rayonnement atmosphérique nous permet d’être plus précis dans nos résultats.

Méthodologie : Exploitation du bruit de fond atmosphérique

Jusqu’à présent, la méthode standard pour déterminer l’intensité pluvieuse (cf Technologie HD Rain) repose sur le calcul de la perte en dB visible sur le signal. En d’autres termes la différence entre le signal et son niveau de référence s’il ne pleuvait pas.

Dans certaines régions du monde les satellites géostationnaires opérant en bande Ku n’émettent pas sur toutes les bandes de fréquence (fréquence basse 10.7 – 11.7 GHz, fréquence haute 11.7 – 12.7 GHz). Le capteur HD Rain reçoit 4 canaux, chacun dépendant de la fréquence et de la polarisation. Lorsqu’un satellite n’émet pas sur une bande de fréquence donnée, deux des récepteurs mesurent le rayonnement des gouttes de pluie. Ces récepteurs sont appelés canaux radiométriques, car ils fonctionnent comme un radiomètre microonde.

Les équations sont en linéaire et les figures en logarithme.

Comme on peut le voir sur cet évènement, survenu à Abidjan en Côte d’Ivoire, les récepteurs de bande de fréquence basse (cf figure 1, Lower – bleu et vert) permettent de mesurer le bruit de fond atmosphérique provenant du rayonnement des gouttes de pluie.

La puissance en sortie d’un canal recevant du signal comprend donc la puissance reçue du satellite de télévision et la puissance du rayonnement naturel :

Mais dans le cas d’un canal qui ne reçoit pas de signal satellite on a alors :

Avec  Gi :  Gain du récepteur (antenne, amplificateur)

δ : Coefficient des effets de transmission qui ne proviennent pas de la pluie

tr : Transmittance de la pluie

Pe : Puissance émise par le satellite

Ar : Puissance du rayonnement de l’atmosphère

Dans l‘hypothèse où les gains des systèmes et les transmittances 1 et 2 sont égaux

Alors on trouve :

est la puissance du signal s’il ne pleuvait pas, qu’on appelle niveau de référence (cf technologie HD Rain).  Seulement les gains des récepteurs ne sont pas égaux.

Delta G : Prise en compte du gain des récepteur

Lors d'une pluie intense, le signal satellite est complètement interrompu. Dans ce cas, les deux canaux ne reçoivent plus que les émissions atmosphériques et devraient donc être égaux.  Cependant, en observant les signaux, on remarque qu'ils se chevauchent (cf. figure 2).

Cet écart provient de la différence de gain entre les deux récepteurs, et on le nomme ΔG :

Pour calculer ce paramètre, plusieurs moyens existent :

  • Simuler la perte complète de signal en plaçant devant la LNB de la station un corps noir, c’est-à-dire un absorbant total, et mesurer la différence entre les deux signaux.
  • Sur une période suffisamment grande observer les évènements les plus forts pour approximer un résultat de la différence entre signaux.

Le choix de la méthode d'estimation des précipitations est guidé par une analyse de la faisabilité technique et des caractéristiques climatiques de la région d'étude. En côte d’Ivoire, plus de 150 capteurs sont installé depuis 2021, où les pluies tropicales sont très intenses. Dans cette région, il est donc avantageux d’appliquer la deuxième méthode. En revanche, en France, peu de stations disposent de canaux radiométriques et les pluies saturantes y sont plus rares. Les stations qui mesurent le rayonnement atmosphérique ont été mise en place dans le but de mieux comprendre les phénomènes influençant nos mesures. Par conséquent, la première solution est plus appropriée en France.

Résultats : Efficacité de la méthode Dual Channel

France :

Une étude en collaboration avec le CEA de Cadarache a été menée dans le but de valider le fonctionnement d’une nouvelle méthode qui prend en compte les rayonnement atmosphérique. Dans cette campagne, plusieurs types d’instruments de mesure colocalisés ont été comparé : capteur HD Rain avec et sans canal radiométrique et des pluviomètres.

La méthode Dual Channel repose sur l'application de l'équation (3) pour calculer la transmittance (t_R), qui représente la proportion de rayonnement traversant l'atmosphère sans être absorbée ou diffusée. L'atténuation (Att) en dB est ensuite déduite de la transmittance par la formule suivante:

La découverte est sans appel, la méthode Dual Channel est plus proche des pluviomètres (mesure de référence) que la méthode standard.

Pour le voir, trois type de mesure ont été comparé aux mesures des pluviomètres :

  • Intensité pluvieuse calculée par la méthode standard sur des capteurs visant des satellites en signal plein (sans canal radiométrique) (en vert)
  • Intensité pluvieuse calculée par la méthode standard sur des capteurs ayant un canal radiométrique (sans prise en compte de la radiométrie) (en rose)
  • Intensité pluvieuse calculée par la méthode Dual Channel sur des capteurs ayant un canal radiométrique (en rouge)

Les résultats ont démontré que la méthode Dual Channel offre une meilleure précision que la méthode standard, en se rapprochant davantage des valeurs mesurées par les pluviomètres.

  • Sous-estimation par la méthode standard sans canal radiométrique (en vert) : On observe une sous-estimation importante des précipitations lors de fortes pluies, car le bruit de fond atmosphérique n'est pas pris en compte.
  • Sous-estimation par la méthode standard avec canal radiométrique (en rose) : L'utilisation de la méthode standard sur des capteurs avec canal radiométrique conduit à une sous-estimation encore plus importante, car elle ne prend en compte qu'un seul des canaux avec signal satellite et que l'atténuation est moins forte sur ces signaux.
  • Précision accrue de la méthode Dual Channel (en rouge) : La méthode Dual Channel, en exploitant les informations des deux canaux (avec et sans signal satellite), permet de corriger l'atténuation due au rayonnement atmosphérique et d'obtenir des estimations des précipitations plus proches de la réalité, en particulier pour les fortes pluies.

L’étude menée en France confirme la supériorité de la méthode Dual Channel par rapport à la méthode standard pour la mesure des précipitations. La prise en compte du bruit de fond atmosphérique permet de réduire les erreurs sur nos mesures et se rapprocher de celles de référence.

Côte d’Ivoire : Une région critique

L’application de cette nouvelle méthode est nécessaire dans la région d’Abidjan en Côte d’Ivoire pour diminuer le biais important que les mesures HD Rain ont par rapport aux pluviomètres de la ville. En effet, les pluies mesurées par les capteur Ku sont largement sous-estimées. Comme énoncé précédemment, plus une pluie est intense plus le signal sature compensé par les rayonnement des gouttes de pluie. De plus la totalité des stations installées dans cette région vise deux satellite qui n’émettent pas de signal en bande de fréquence basse.

La nouvelle méthode améliore considérablement les résultats de la méthode Standard permettant de réduire le biais. Malgré l’amélioration des résultats, il reste une sous-estimation de 20% sur le cumul de pluie de 4 mois en comparaison avec le pluviomètre de l’aéroport d’Abidjan (géré par la SODEXAM, Service météorologique).

Effectivement, des erreurs persistent en raison d'autres effets météorologiques spécifiques à la région étudiée, tels que l'incertitude concernant l'isotherme 0°C (la limite entre pluie et neige) dans les régions tropicales, ou les imprécisions liées à la structure des pluies dans cette zone.

Conclusion

La prise en compte du bruit de fond atmosphérique et l’exploitation des informations des deux canaux (avec et sans signal satellite) permet de corriger l'atténuation du signal et d'obtenir des résultats plus proches de la réalité, en particulier pour les fortes pluies.

La méthode Dual Channel, présentée dans cet article, offre une solution pour réduire les erreurs et améliorer la précision des estimations. En effet, les études menées en France et en Côte d’ivoire ont démontré l'efficacité de cette méthode. Bien que des erreurs persistent en Côte d'Ivoire, les résultats sont nettement améliorés par rapport à la méthode standard lorsqu'ils sont comparés aux mesures des pluviomètre

En conclusion, la méthode Dual Channel constitue une avancée significative dans la compréhension et la correction des biais des mesures de précipitations par micro-ondes.