Comme nous l'avons vu précédemment, le bruit de fond atmosphérique, autrement dit le rayonnement des éléments de l’atmosphère, a un impact non négligeable sur les mesures des précipitations par micro-ondes. En effet, l’atténuation du signal satellite par les gouttes de pluie est compensé par le rayonnement de ces mêmes gouttes de pluie.
Dans cet article, nous allons explorer comment prendre en compte ce bruit de fond et démontrer comment il peut contribuer à améliorer significativement la précision des mesures des précipitations. La connaissance du rayonnement atmosphérique nous permet d’être plus précis dans nos résultats.
Jusqu’à présent, la méthode standard pour déterminer l’intensité pluvieuse (cf Technologie HD Rain) repose sur le calcul de la perte en dB visible sur le signal. En d’autres termes la différence entre le signal et son niveau de référence s’il ne pleuvait pas.
Dans certaines régions du monde les satellites géostationnaires opérant en bande Ku n’émettent pas sur toutes les bandes de fréquence (fréquence basse 10.7 – 11.7 GHz, fréquence haute 11.7 – 12.7 GHz). Le capteur HD Rain reçoit 4 canaux, chacun dépendant de la fréquence et de la polarisation. Lorsqu’un satellite n’émet pas sur une bande de fréquence donnée, deux des récepteurs mesurent le rayonnement des gouttes de pluie. Ces récepteurs sont appelés canaux radiométriques, car ils fonctionnent comme un radiomètre microonde.
Les équations sont en linéaire et les figures en logarithme.
Comme on peut le voir sur cet évènement, survenu à Abidjan en Côte d’Ivoire, les récepteurs de bande de fréquence basse (cf figure 1, Lower – bleu et vert) permettent de mesurer le bruit de fond atmosphérique provenant du rayonnement des gouttes de pluie.
La puissance en sortie d’un canal recevant du signal comprend donc la puissance reçue du satellite de télévision et la puissance du rayonnement naturel :
Mais dans le cas d’un canal qui ne reçoit pas de signal satellite on a alors :
Avec Gi : Gain du récepteur (antenne, amplificateur)
δ : Coefficient des effets de transmission qui ne proviennent pas de la pluie
tr : Transmittance de la pluie
Pe : Puissance émise par le satellite
Ar : Puissance du rayonnement de l’atmosphère
Dans l‘hypothèse où les gains des systèmes et les transmittances 1 et 2 sont égaux
Alors on trouve :
est la puissance du signal s’il ne pleuvait pas, qu’on appelle niveau de référence (cf technologie HD Rain). Seulement les gains des récepteurs ne sont pas égaux.
Lors d'une pluie intense, le signal satellite est complètement interrompu. Dans ce cas, les deux canaux ne reçoivent plus que les émissions atmosphériques et devraient donc être égaux. Cependant, en observant les signaux, on remarque qu'ils se chevauchent (cf. figure 2).
Cet écart provient de la différence de gain entre les deux récepteurs, et on le nomme ΔG :
Pour calculer ce paramètre, plusieurs moyens existent :
Le choix de la méthode d'estimation des précipitations est guidé par une analyse de la faisabilité technique et des caractéristiques climatiques de la région d'étude. En côte d’Ivoire, plus de 150 capteurs sont installé depuis 2021, où les pluies tropicales sont très intenses. Dans cette région, il est donc avantageux d’appliquer la deuxième méthode. En revanche, en France, peu de stations disposent de canaux radiométriques et les pluies saturantes y sont plus rares. Les stations qui mesurent le rayonnement atmosphérique ont été mise en place dans le but de mieux comprendre les phénomènes influençant nos mesures. Par conséquent, la première solution est plus appropriée en France.
Une étude en collaboration avec le CEA de Cadarache a été menée dans le but de valider le fonctionnement d’une nouvelle méthode qui prend en compte les rayonnement atmosphérique. Dans cette campagne, plusieurs types d’instruments de mesure colocalisés ont été comparé : capteur HD Rain avec et sans canal radiométrique et des pluviomètres.
La méthode Dual Channel repose sur l'application de l'équation (3) pour calculer la transmittance (t_R), qui représente la proportion de rayonnement traversant l'atmosphère sans être absorbée ou diffusée. L'atténuation (Att) en dB est ensuite déduite de la transmittance par la formule suivante:
La découverte est sans appel, la méthode Dual Channel est plus proche des pluviomètres (mesure de référence) que la méthode standard.
Pour le voir, trois type de mesure ont été comparé aux mesures des pluviomètres :
Les résultats ont démontré que la méthode Dual Channel offre une meilleure précision que la méthode standard, en se rapprochant davantage des valeurs mesurées par les pluviomètres.
L’étude menée en France confirme la supériorité de la méthode Dual Channel par rapport à la méthode standard pour la mesure des précipitations. La prise en compte du bruit de fond atmosphérique permet de réduire les erreurs sur nos mesures et se rapprocher de celles de référence.
L’application de cette nouvelle méthode est nécessaire dans la région d’Abidjan en Côte d’Ivoire pour diminuer le biais important que les mesures HD Rain ont par rapport aux pluviomètres de la ville. En effet, les pluies mesurées par les capteur Ku sont largement sous-estimées. Comme énoncé précédemment, plus une pluie est intense plus le signal sature compensé par les rayonnement des gouttes de pluie. De plus la totalité des stations installées dans cette région vise deux satellite qui n’émettent pas de signal en bande de fréquence basse.
La nouvelle méthode améliore considérablement les résultats de la méthode Standard permettant de réduire le biais. Malgré l’amélioration des résultats, il reste une sous-estimation de 20% sur le cumul de pluie de 4 mois en comparaison avec le pluviomètre de l’aéroport d’Abidjan (géré par la SODEXAM, Service météorologique).
Effectivement, des erreurs persistent en raison d'autres effets météorologiques spécifiques à la région étudiée, tels que l'incertitude concernant l'isotherme 0°C (la limite entre pluie et neige) dans les régions tropicales, ou les imprécisions liées à la structure des pluies dans cette zone.
La prise en compte du bruit de fond atmosphérique et l’exploitation des informations des deux canaux (avec et sans signal satellite) permet de corriger l'atténuation du signal et d'obtenir des résultats plus proches de la réalité, en particulier pour les fortes pluies.
La méthode Dual Channel, présentée dans cet article, offre une solution pour réduire les erreurs et améliorer la précision des estimations. En effet, les études menées en France et en Côte d’ivoire ont démontré l'efficacité de cette méthode. Bien que des erreurs persistent en Côte d'Ivoire, les résultats sont nettement améliorés par rapport à la méthode standard lorsqu'ils sont comparés aux mesures des pluviomètre
En conclusion, la méthode Dual Channel constitue une avancée significative dans la compréhension et la correction des biais des mesures de précipitations par micro-ondes.